Libre voyageur

Flâneries indiscrètes dans un vaste monde

La guerre oubliée

Buenos Aires, Argentine.

Sur la Place de Mai, ces croix représentent les soldats argentins tombés lors de la guerre des Malouines.

Ce conflit est l’un des derniers à avoir opposé deux nations développées, dans un contexte où les tensions de la Guerre froide étaient encore vives.

Les Malouines

Les îles Malouines sont un archipel situé dans l’Océan Atlantique, à 400 kilomètres de la Terre de Feu, territoire argentin, et à 1 200 km du continent Antarctique. Il n’y fait pas très chaud…

Elles furent découvertes par un navigateur anglais en 1592, puis explorées un siècle plus tard par un autre capitaine au service de la Couronne britannique, un certain John Strong, qui les baptisa « Falklands ».

Au début du XVIIIe siècle, des marins de Saint-Malo y avaient leurs habitudes, y faisant escale, s’y ravitaillant, d’où leur nom de « Malouines » en français, et de « Malvinas » en espagnol.

Bougainville y débarque en 1764, et la France revendique les îles pour siennes. L’Espagne apprend l’existence de ces territoires proches de ses colonies, des rencontres diplomatiques ont lieu, Bougainville est envoyé par Louis XV à Madrid pour négocier, mais les Malouines sont finalement concédées aux Espagnols en 1767.

Après l’indépendance argentine, Buenos Aires récupère la souveraineté sur ces îles, toujours inoccupées depuis leur découverte, et y envoie les premiers colons flanqués d’un gouverneur en 1823. Sur ces entrefaites, ou plus exactement 10 ans plus tard, les Anglais, considérant ces territoires comme stratégiques, y dépêchent une frégate amenant des colons qui s’en emparent et chassent les malheureux Argentins manu militari.

La situation

Depuis 1833, l’Argentine revendique donc le retour de sa souveraineté sur les îles Malouines, et les Britanniques répondent « Que nenni ! », qui se dit « Nay! » en bon anglais, une langue plus ramassée que le français.

En 1972, Juan Perón (le mari d’Evita, il faut suivre), en exil depuis 1955, revient en Argentine pour se présenter aux élections, qu’il remporte, redevenant président pour la troisième fois.

Malheureusement, il succombe à la maladie en 1974, et sa troisième femme, Isabel Perón, une ancienne danseuse folklorique, lui succède. Maladroite, mal préparée à sa mission, elle est l’objet d’influence de factions au sein du mouvement peróniste, la situation du pays dégénère et une junte de trois généraux s’empare aisément du pouvoir en 1976.

Quatre juntes se succéderont. La dernière, très impopulaire, et cherchant à détourner l’attention du public de la crise économique et des crimes du régime, expose son ambition d’étendre l’Argentine sur deux continents, l’Amérique et l’Antartique, afin de s’emparer de ressources (pétrole, eaux territoriales) devenues stratégiques et de contrôler la navigation au sud des deux Océans. Dans ce cadre, les îles Malouines (ainsi que les îles Sandwich du Sud et la Géorgie du Sud) ont une place de choix, les généraux décident donc de les reprendre aux Britanniques.

L’assaut argentin

Après l’échec de négociations sous l’égide de l’ONU, le plan d’attaque argentin est exécuté et commence par l’invasion de la Géorgie du Sud, une île distante de plusieurs centaines de kilomètres des Malouines, mais sous le même gouvernement. Une opération presque simultanée est menée aux Malouines.

La force argentine est composé de 4 frégates, un sous-marin, un brise-glace porte-hélicoptères, une barge de débarquement de chars d’assaut amphibies, des navires de soutien, et 904 hommes de l’infanterie de marine, dont 92 commandos et plongeurs tactiques des forces spéciales.

Les commandos argentins sont héliportés ou débarqués par le sous-marin. Ils donnent l’assaut avec des armes lourdes et des grenades au phosphore, et font rapidement des prisonniers parmi les Royal Marines et les volontaires britanniques.

Ceux-ci sont rassemblés sur des terrains de sport, photographiés et les images sont aussitôt diffusées dans les médias.

Alliés et ennemis

Margaret Thatcher, alors premier ministre britannique et battant des records d’impopularité du fait de sa politique de casse sociale, prend la décision de riposter à l’invasion argentine.

Divers problèmes se posent alors à la Royal Navy, l’un des plus cruciaux tient à l’équipement de l’armée argentine en chasseurs Super-Étendard et missiles Exocet français. 5 avions et 5 missiles ont déjà été fournis par la France, en plus des Mirage III préalablement détenus par les Argentins.

François Mitterrand s’engage à interrompre les livraisons prévues, et bloque celles destinées au Pérou, allié de l’Argentine. Les conseillers de l’Élysée expliquant benoîtement aux Péruviens devoir démonter les Exocets pour « s’assurer qu’ils n’ont pas été sabotés par les Anglais ». Des informations sur les avions et missiles français, ainsi que sur les contre-mesures opérationnelles seront également libéralement transmises outre-Manche, un exercice inter-armées sera même organisé au large de la Bretagne. Enfin, La France organise l’escale des avions britanniques à Dakar, au Sénégal.

Entre puissances coloniales, on s’entraide…

Le Chili de Pinochet, ennemi de l’Argentine, soutiendra activement les Anglais. L’Amérique de Reagan tentera d’éviter l’engagement, mais finira par fournir des missiles Sidewinder et les informations collectées par des satellites espions.

Côté argentin, le Pérou fait cadeau à Buenos Aires de 10 chasseurs Mirage 5-PA, ou plutôt il les vend 5 millions de dollars alors qu’ils en valent 20 millions pièce.

Israël, dont le Premier ministre Menahem Begin était un farouche ennemi des Anglais depuis l’époque du mandat britannique en Palestine, fournit des armes à l’Argentine.

Enfin, les Soviétiques mettent 18 satellites militaires à la disposition de la marine argentine afin de suivre les mouvements de l’escadre britannique.

La réplique britannique

Les Anglais parviennent rapidement à déployer leurs deux porte-avions, 28 000 hommes, des frégates, des destroyers, des porte-hélicoptères, des sous-marins, des dizaines de navires de soutien, des bombardiers, des chasseurs Harrier à décollage vertical, des avions de transport, le tout à 13 000 km de Londres.

Le 25 avril, soit un peu plus de 3 semaines après l’attaque argentine, les Britanniques débarquent en Géorgie du Sud et reprennent l’île.

Le 1er mai, les premières actions sont engagées aux Malouines.

Les combats vont durer pendant 1 mois et demi, engageant des dizaines de milliers d’hommes dans le froid de l’hiver austral. Les uns périront brûlés dans des hélicoptères en feu, par les bombes ou le napalm, les autres mourront noyés ou déchiquetés par les munitions lourdes des engins de guerre.

Pour conclure

Le bilan dit assez l’âpreté de cette guerre de 72 jours : près de mille morts, le double de blessés, et plus de 11 000 prisonniers.

Le 14 juin, le commandant argentin des Malouines capitule, le cessez-le-feu sera déclaré le 20 juin par les Britanniques.

Cette défaite de l’Argentine précipitera la fin de la junte et le rétablissement de la démocratie. À Londres, la Dame de Fer en sortira grandie : elle remportera les élections suivantes.

Aujourd’hui, les îles Malouines demeurent un sujet de contentieux entre les deux pays. Et la découverte de nouvelles ressources dans leurs eaux territoriales est toujours susceptible de réveiller les rancœurs.

En tout cas, les gens de la Place de Mai n’ont toujours pas oublié, eux…

Next Post

Previous Post

Leave a Reply

© 2023 Libre voyageur

Theme by Anders Norén