Libre voyageur

Flâneries indiscrètes dans un vaste monde

Basile le Fol-en-Christ

Moscou, Russie.

Dans la cathédrale Basile-le-Bienheureux.

Le Basile en question est né au XVe siècle dans un village des environs de Moscou.

D’abord apprenti-cordonnier (à la vue d’une paire de bottes, il aurait prédit la mort prochaine de leur propriétaire, c’est le genre de « miracles » qu’on lui attribue), il quitte l’atelier et le tenace parfum du cuir tanné pour se consacrer à une brillante carrière de « iourodivy », la version russe des Fous-en-Christ.

Le Fol-en-Christ est un homme, ou une femme, qui abandonne la société conventionnelle, les biens matériels, et qui agit d’une manière qui peut sembler énigmatique, voire immorale, aux yeux de ses contemporains.

On le honnit, on le méprise, on le maltraite souvent, mais à sa mort, toujours on le vénère. Il est, comme le Christ, le bouc émissaire du Judaïsme antique, celui que l’on charge de nos péchés et que l’on sacrifie ensuite.

De ces marginaux volontaires, il en est dans toutes les cultures : tel, en Occident, François d’Assise, qui se dépouille de la fortune de son père, revêt une simple tunique, s’en part vagabonder et parler aux loups comme aux oiseaux, le Cynique Diogène dans sa jarre, mais aussi certains moines zen ou maîtres taoïstes, en Inde les sâdhus et les jaïns vêtus-de-ciel, les soufis Qalandar.

Notre Basile était un Fol-en-Christ de la plus belle eau : il vivait constamment nu, se couvrait parfois de lourdes chaînes, s’exposait délibérément au froid et à la faim, et il ne craignait pas de dénoncer les hypocrites et les puissants, à telle enseigne que l’on racontait qu’Ivan le Terrible lui-même le redoutait.

À sa mort, le tsar et ses barons, les boyards, portèrent le cercueil de Basile jusqu’au lieu où s’élève désormais la cathédrale de l’Intercession-de-la-Vierge-sur-le-Fossé. L’église a fini par emprunter le nom du Bienheureux, ses restes y sont conservés et révérés par les dévots de tout poil.

Il est aisé de reconnaître les icônes représentant Basile : c’est le seul saint qui soit figuré entièrement nu !

Voici le dais qui recouvrait la châsse contenant ses restes, Basile y dissimule par une habile avancée de la cuisse gauche ce qui serait susceptible de détourner les pensées…

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