Séoul, Corée du Sud.
Près de l’entrée du Gyeongbokgung, l’on a reconstitué une sorte de village témoin de la Corée des années 70, avec différents lieux, une école, un moulin, une épicerie, et une boutique de manhwa, de bandes dessinées.
Cela me donne l’occasion de vous narrer ce qui suit.
Ainsi que je l’ai raconté lors de mon séjour en Corée du Nord : en janvier 1968, les 31 commandos de l’unité 124 échouent dans leur tentative d’assassinat du dirigeant sud-coréen Park Chung-hee. Dans la chasse à l’homme qui suivra, 29 d’entre eux perdront la vie.
Trois mois plus tard, en avril 1968, sur ordre du président Park, le chef de la KCIA (Korean Central Intelligence Agency), l’officine en charge des basses œuvres du régime, recrute 31 petits criminels et gens sans aveu pour composer l’unité 684 (68, l’année, 4, le mois). Leur mission : assassiner en retour Kim Il-sung, le leader de Corée du Nord.
L’unité 684 est clairement calquée sur l’unité 124, le nombre de ses membres et son objectif, l’assassinat du président du pays ennemi, sont identiques.
La différence tient dans le recrutement : alors que l’unité 124 était exclusivement composée d’officiers sélectionnés parmi l’élite de l’armée, les Sud-Coréens décident de n’employer que des jeunes civils, des délinquants, des petites frappes, des chômeurs, des déclassés connus pour leur habitude des combats de rue, des durs-à-cuire vivant dans les foyers de misère de l’après-guerre.
On leur promet de l’argent, un emploi, la liberté. On les emmène sur Silmido, une île déserte au large de l’aéroport actuel d’Incheon. Là, pendant 3 ans, on les entraîne tellement durement, avec des méthodes tellement cruelles et inhumaines que 7 d’entre eux, parmi les 31, en meurent.
En 1971, on leur apprend que, la situation politique s’étant améliorée entre les deux Corées, la mission d’assassinat de l’unité 684 est annulée.
Pour autant, on ne les libère pas de leur camp sur l’île de Silmido.
En août de la même année, les 24 survivants se révoltent : ils éliminent rapidement la plupart de leurs gardes, s’emparent d’un bateau, rejoignent la côte. Là, ils arrêtent un bus, le détournent et se dirigent, déterminés, vers Séoul.
L’armée sud-coréenne les intercepte au milieu de la capitale. Dans la bataille qui s’ensuit, la plupart sont tués, certains se suicident en faisant exploser des grenades, et 4 sont capturés vivants. Ils seront ensuite exécutés.
Le gouvernement Park classe immédiatement le dossier de l’affaire, tout est couvert par le secret militaire.
On ne connaît toujours pas les véritables raisons de l’aventure des 24 hommes de l’unité 684, ni où leur folle course les menait. L’un des gardes ayant échappé au massacre sur l’île raconte que les jeunes gens étaient convaincus qu’ils ne seraient plus libérés de Silmido, qu’ils étaient désespérés.
Tout reste ouvert à l’imagination. Nous ne saurons peut-être jamais la vérité. Un film coréen sorti en 2003, « Silmido », tente de raconter toute l’histoire. C’est d’ailleurs grâce à ce film que le sujet revient sur la place publique, permettant aux familles des 31 jeunes de réclamer à l’État des réparations pour les traitements inhumains subis par leurs fils, réparations finalement accordées par la justice en 2010, près de 40 ans après les faits.
L’unité 824, c’est Les douze salopards, Nikita et Battle Royale tout à la fois, mais ça s’est vraiment passé, dans le monde réel…