Himeji, Japon.
Je m’apprête à grimper les marches qui mènent au sommet de la colline.
Ce monsieur m’interpelle en anglais, un événement rare au Japon.
« La vue est très belle là-haut. [note du traducteur : le dialogue qui suit est traduit de l’anglais]
– Oui, on m’a dit cela.
– Avez-vous vu le temple en bas ?
– Le sanctuaire shinto, oui, bien sûr. »
L’homme est soudainement pris d’une convulsion de tout le corps.
« Vous connaissez la différence ? [note du traducteur : entre un sanctuaire shinto et un temple bouddhiste]
– Oui, bien sûr, j’ai vu les shide. » [note du traducteur: bandes de papier décorant les sanctuaires shinto]
Nouvelle convulsion du bonhomme.
Il va ensuite me harceler de questions, et chaque réponse témoignant d’une connaissance même superficielle de la culture locale déclenchera chez lui des réactions émotionnelles et physiques spectaculaires.
Ce n’est pas la première fois que je remarque des réponses extrêmes de ce type.
Faites l’expérience, donnez du « konnichiwa » à un Japonais et il va soudainement s’extasier bruyamment de ce que votre « japonais est parfait ».
Les normes de politesse mises à part, il semble que le fait que les interactions entre les gens soient tellement soumises à des conventions, à des automatismes, confère au moindre élément inattendu un considérable pouvoir de surprise.
Mais, bon, je généralise sans doute un peu vite, ce monsieur était peut-être juste singulièrement émotif.
J’imagine la même scène en Belgique.
Un Français se promène à Bruxelles.
Un Belge lui lance.
« On fait de très bonnes gaufres ici.
– Oui, on m’a dit cela.
– En avez-vous déjà goûté ?
– Oui, plein, des gaufres de Bruxelles, et aussi de Liège. »
Convulsion du Belge.
« Vous connaissez la différence ?
– Oui, bien sûr, celles de Bruxelles ressemblent aux françaises, celle de Liège sont plus épaisses et sucrées. »
Le Belge s’évanouit…